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Samedi 20 Avril 2024

... ... ...I Have A Dream     

I HAVE A DREAM

Le 28 août 1963, devant le mémorial de Lincoln à Washington, Martin Luther King rappelle ce que sont, un siècle après la guerre de Sécession, les objectifs du mouvement pour l'égalité des droits entre Noirs et Blancs.

Je suis heureux de participer avec vous aujourd'hui à ce rassemblement qui restera dans l'Histoire comme la plus grande manifestation que notre pays ait connue en faveur de la liberté.

Il y a un siècle de cela, un grand Américain qui nous couvre aujourd'hui de son ombre symbolique signait notre Acte d'Emancipation. Cette Proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l'espérance aux yeux de millions d'esclaves noirs marqués au feu d'une brûlante injustice. Ce fut la longue nuit de leur captivité.

Mais cent ans ont passé et le Noir n'est pas encore libre. Cent ans ont passé et le Noir est toujours tristement entravé par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination ; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l'île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle ; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marges de la société américaine et se trouve en exil dans son propre pays.

C'est pourquoi nous sommes accourus aujourd'hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En un sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magiques qui forment notre Constitution et notre déclaration d'Indépendance, les architectes de notre République signaient une promesse dont hériterait chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.

Il est aujourd'hui évident que l'Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d'honorer son obligation sacrée, l'Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur ; un chèque qui est revenu avec la mention “provisions insuffisantes”. Nous ne pouvons croire qu'il n'y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes-nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice.

Nous sommes également venus en ce lieu sanctifié pour rappeler à l'Amérique les exigeantes urgences de l'heure présente. Il n'est plus temps de se laisser aller au luxe d'attendre ni de prendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie ; le moment est venu d'émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale ; le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de l'injustice raciale pour la hisser sur le roc solide de la fraternité ; le moment est venu de réaliser la justice pour tous les enfants du Bon Dieu. Il serait fatal à notre nation d'ignorer qu'il y a péril en la demeure. Cet étouffant été du légitime mécontentement des Noirs ne se terminera pas sans qu'advienne un automne vivifiant de liberté et d'égalité. (...)

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd'hui et demain, je fais pourtant un rêve. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux.”

Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Georgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d'esclaves pourront s'asseoir ensemble à la table de la fraternité.

Je rêve que, un jour, l'Etat du Mississippi lui-même, tout brûlant des feux de l'injustice, tout brûlant des feux de l'oppression, se transformera en oasis de liberté et de justice.

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. Je fais aujourd'hui un rêve !

Je rêve que, un jour, même en Alabama où le racisme est vicieux, où le gouvernement a la bouche pleine de mots “interposition” et “nullification”, un jour, justement en Alabama, les petits garçons et les petites filles noirs, les petits garçons et les petites filles blancs, pourront tous se prendre par la main comme frères et soeurs. Je fais aujourd'hui un rêve !

Je rêve que, un jour, tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline seront rabaissées, tout éperon deviendra une plaine, tout mamelon une trouée, et la gloire du Seigneur sera révélée à tous les êtres faits de chair tout à la fois.

Telle est mon espérance. Telle est ma foi que je remporterai dans le Sud.

Avec une telle foi nous serons capables de distinguer, dans des montagnes de désespoir, un caillou d'espérance. Avec une telle foi, nous serons capables de transformer la cacophonie de notre nation discordante en une merveilleuse symphonie de fraternité.

Avec une telle foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d'aller en prison ensemble, de nous dresser ensemble pour la liberté, en sachant que nous serons libres un jour. Ce sera le jour où tous les enfants du Bon Dieu pourront chanter ensemble cet hymne auquel ils donneront une signification nouvelle - “Mon pays c'est toi, douce terre de liberté, c'est toi que je chante, pays où reposent nos pères, orgueil de pèlerin, au flanc de chaque montagne que sonne la cloche de la liberté” - et si l'Amérique doit être une grande nation, il faut qu'il en soit ainsi.

Aussi faites sonner la cloche de la liberté sur les prodigieux sommets du New Hampshire.

Faites-la sonner sur les puissantes montagnes de l'Etat de New York.

Faites-la sonner sur les hauteurs des Alleghanys, en Pennsylvanie.

Faites-la sonner sur les neiges des Rocheuses, au Colorado.

Faites-la sonner sur les collines ondulantes de la Californie.

Mais cela ne suffit pas.

Faites-la sonner sur la Stone Mountain de Georgie.

Faites-la sonner sur la Lookout Mountain du Tennessee.

Faites-la sonner sur chaque colline et chaque butte du Mississippi, faites-la sonner au flanc de chaque montagne.

Quand nous ferons en sorte que la cloche de la liberté puisse sonner, quand nous la laisserons carillonner dans chaque village et chaque hameau, dans chaque Etat et dans chaque cité, nous pourrons hâter la venue du jour où tous les enfants du Bon Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les gentils, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux “spiritual” noir : “Libres enfin, Libres enfin. Merci Dieu Tout-Puissant, nous voilà libres enfin.”

Martin Luther King, Je fais un rêve, Le Centurion, 1987, traduit par Marc Saporta